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Parkour et Gymnastique :
Un historique

Entre 2017 et 2020, une histoire compliquée secoue le monde du Parkour suite à l’annonce de la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) d’intégrer le Parkour comme une discipline gymnique supplémentaire au même titre que le trampoline quelques années auparavant. Le projet, qui visait à développer la pratique sous la bannière gym à travers la pratique en salle et la compétition, a fait couler beaucoup d’encre. Voici une chronologie pour vous immerger dans ce qu’on appellait (et qu’on appelle toujours) le FIG-Gate.

Depuis son apparition il y a 20 ans, les relations entre le parkour et la gymnastiques étaient compliquées. La pratique était alors jeune et issue de la rue. Dans les villes ou traceurs et gymnastes se partageaient la même salle, il pouvait y avoir des tensions en raison de la façon inhabituelle d’utiliser le matériel gymnique par les traceurs. En effet, le parkour offrait une  alternative décontractée et bien moins académique pour certains pratiquants qui ne se reconnaissaient pas dans l’omniprésence de la compétition et la pression du résultat typique à la gym. Certains pratiquants ont parfois préféré se tourner vers le parkour moins codifié, boudant ainsi les cours de gym ou n’utilisant les salles qu’en accès libre ou lors des périodes hivernales.

Cette tendance à amener les instances gymniques à s’ouvrir aux disciplines urbaines (parkour, street work-out, tricking, etc…). Des programmes de gymnastique “freestyle” ont vu le jour avec la promesse de motiver des pratiquants plus jeunes avec un certain succès. La gym et le parkour ont cohabité pendant des années avec finalement peu d’interactions, chacun gérant la pratique comme il l’entendait. 

 

2016 : TheMouvementOrg  

En 2016, une annonce fait vibrer la communauté Parkour mondiale. Un projet de réunir les fondateurs du parkour, du freerun et de l’art du déplacement se construit autour d’une plateforme commune « themouvement.org ». Une partie des 9 fondateurs s’y réunit avec comme objectif de développer le parkour et de lui donner une ambition olympique. Le projet est ambitieux et salué par les communauté de Parkour dans le monde, y compris par la FPK. Malheureusement, une fois l’effet d’annonce passé, il ne produit pas grand chose. La plateforme communique peu et des rumeurs circulent que certains fondateurs s’en seraient désolidarisés. La communauté parkour finit par s’en désintéresser. Mais la structure continue d’exister.

2017 : Le FIG-Gate

Quelques mois plus tard, la rumeur se répand que Themouvement et la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) auraient collaboré en vue d’intégrer « un nouveau sport inspiré du Parkour » au sein de la fédération de gymnastique.

Cette nouvelle suscite la surprise dans la communauté Parkour internationale. Si certain saluent le fait que le parkour se structure, beaucoup comprennent mal pourquoi cette structuration devrait passer par un rapprochement avec la gymnastique, avec qui l’historique de collaboration a toujours été faible, voire tendu. Le projet, annoncé par voie de presse, n’est précédé d’aucune consultation avec les associations et fédérations existantes. Perçu comme un effet d ‘aubaine motivé par une démarche entreprenariale et non-démocratique, la communauté de pratiquant s’émeut et s’inquiète. La première fédération de Parkour à réagir officiellement fut Parkour UK, accusant la FIG de “encroachment and misappropriation” que l’on peut traduire par “appropriation frauduleuse“. La FPK lui emboîte le pas, alertée par ses confrères anglo-saxons.

  • Avril 2017 : Le comité directeur de la FPK s’associe à la démarche de Parkour UK et demande à la FIG des explications et une révision de son projet. Lettre ouverte de la FPK à la FIG.

Petit à petit, le mécontentement prend de l’ampleur. D’autres fédérations et pratiquants célèbres relaient l’info et dénoncent le procédé. Un mouvement de mobilisation mondial pour l’indépendance du Parkour apparait. Le terme “FIG-Gate” apparait.

Ils ont pris position contre le projet de la FIG :

Malheureusement, les plaintes et lettres ouvertes restent sans réponse de la FIG. Les discussions et les indignations restent dans Facebook et ressortent peu dans la presse. Constatant la difficulté de présenter un front uni, les fédérations de parkour et communautés parkour les plus structurées se regroupent pour cofonder une fédération de parkour internationale, Parkour Earth.

2017 : Parkour Earth

  • Juillet 2017 : Fondation de Parkour Earth par 6 fédérations nationales (France, Royaume Uni, Nouvelle-Zélande, Australie, Pologne et Afrique du Sud). Parkour Earth prend le relais de Parkour UK pour demander à la FIG de s’expliquer sur son projet et de stopper ses actions.

Malgré les tentatives de négociations et des rendez-vous entre Parkour Earth et la FIG à Lausane en Suisse, le projet Gym ne ralentit pas et se structure. Une demande de médiation officielle est demandée par Parkour Earth. La FIG ne donne pas suite et organise les premières compétitions de test, au sein de l’événement culture urbaine qu’est le FISE : 

  • Août 2017 : La FIG annonce lancer des coupes du monde de Parkour à partir de Novembre 2017. La première se déroulera à Chengdu en Chine début novembre. La FIG crée une commission Parkour présidée par David Belle et Charles Perrière.
  • Novembre 2017 : Le Parkour présenté lors du FISE à Chengdu (Chine) sous un format compétitif en collaboration avec la FIG et David Belle.
  • Novembre 2017 : Le magazine Slate publie l’article « le parkour peut-il tracer sa route olympique ? » Avec notamment une courte interview de Mark Cooper, Michel Boutard (FFGYM) et Sacha Lemaire (Alors Président FPK).
  • Novembre 2017 : Rencontre entre Parkour Earth et la FIG à Lausanne, en présence de Charles Perrière et Florian Bussi, de la toute nouvelle commission parkour. La FIG y a présenté son projet de promouvoir le Parkour via la compétition afin de le présenter à terme comme 8ème discipline gymnique lors des JO de Paris 2024. Parkour Earth réaffirme le droit à l’indépendance des fédérations de pratiquants et dénonce l’appropriation frauduleuse par la FIG, en précisant qu’elle n’a aucun grief envers les 2 fondateurs impliqués. Elle exprime sa vive inquiétude quand à la gouvernance future de la pratique annoncée par la Gymnastique. La réunion se termine par un statut quo.
    Plus d’info : L’article sur Parkour Earth / Résumé de la rencontre rédigé par Parkour Earth / Résumé de la rencontre rédigé par la FIG.

Novembre 2017 : La commission Parkour à la FIG

  • Novembre 2017 : La FIG présente sa nouvelle commission Parkour : Président : David Belle. Vice Président : Charles Perrière. Membres : Michel Boutard (FFGYM), Ahmad Albreihi, Estelle Piget. Représentants athlètes : Kamil Tobiasz, Alexandra Shevchenko. Sport Manager : Florian Busi.
  • Décembre 2017 : Suite à l’absence d’accord lors du meeting à Lausanne, Parkour Earth envoie une nouvelle lettre ouverte à la FIG. Elle y dénonce entre autre la publication d’une fausse histoire commune entre la gymnastique et le parkour, réaffirme l’indépendance de la discipline et dénonce le caractère anticonstitutionnel du projet de la FIG. Elle demande une procédure de médiation et d’arbitrage afin de résoudre le litige.
  • Janvier 2018 : La FIG annonce que les fédérations de gym nationales ont le choix de déployer ou non l’intégration de Parkour au sein de la gym, avec l’aide ou non de la communauté en place et des fédérations de parkour / freerun / art du déplacement existantes.

Début 2018, The Mouvement.org, qui était à l’origine de la négociation avec la FIG disparaît sans effet d’annonce. Plusieurs fondateurs du parkour, Sébastien Foucan, Chau Belle et Williams Belle avaient déjà quitté le projet depuis longtemps. Les membres encore actifs dans themouvement, et à l’origine du projet FIG sont Mark Cooper, David Belle, Charles Perrière, et Florian Busi. Ils se retrouvent dans le premier comité de pilotage Parkour à la FIG. Le site web The Mouvement.org disparait. La page Facebook est supprimé.

La FIG n’a au final jamais répondu publiquement aux critiques. Elle poste une « news » sur leur site web montrant David Belle, Charles Perrière et le président de la FIG ensembles, « sur la même longueur d’ondes ». En Juin 2018 elle annonce que ce n’était jamais dans son intention de s’approprier unilatéralement le parkour, que les réactions négatives de la communauté seraient largement infondées et que ses portes restent ouvertes à celle/ceux qui « souhaiteraient collaborer ».

En 2018, la FPK, réaffirme sa position officielle : Le Parkour, le Freerun et l’Art du Déplacement devraient être représentés par des Fédérations existantes ou émergentes élues démocratiquement par les associations et les pratiquants et en communication transparente avec ces derniers. Elle  rencontre aussi le Ministère des Sports en France pour demander une médiation. Malheureusement celle-ci n’aura pas lieu, la FIG étant basée à l’étranger, en Suisse, la France n’a pas de capacité juridique pour intervenir.

Décembre 2018 : sous l’impulsion de son président Moritari Watanabe, la FIG vote l’intégration du Parkour comme 8e discipline gymnique avec 197 voix pour, 47 voix contre et 15 abstentions. Ce vote est fait par les fédérations nationales de gymnastique, sans qu’aucun représentant des fédérations de Parkour, Freerun ou Art du Déplacement n’ai été invité à participer au vote. Cette annonce provoque un rejet massif du projet par une grande partie de la communauté de pratiquants.

2018 : La FIG intègre le Parkour

Décembre 2018 : La FPK déclare officiellement qu’elle ne reconnait pas la légitimité du vote de la FIG.

Partout sur internet, les hashtags autour du FIG Gate apparaissent : #WeAreNotGymnastics #WeAreParkour #WeAreFreerun #WeAreArtDuDeplacement

2019 : Le Parkour se développe avec / sans la Gym

Depuis l’annonce de la FIG, les différentes fédérations de gymnastiques dans le monde déploient progressivement le parkour dans leur réseau, certains collaborent avec des traceurs locaux, d’autres non. Cela varie selon les pays et les relations préxistantes. Une demande d’inclure le parkour aux JO de Paris 2024 sous la bannière de la FIG est déposée mais elle n’est pas retenue par la Comité Olympique.

Les différentes associations et fédérations Parkour dans le monde continuent de se développer en parallèle.

 

Juillet 2019, la FPK signe une convention de partenariat avec la Fédération Multisports ASPTT pour développer le Parkour en France.

En 2020, la FFGym reçoit de la part du Ministère des Sports la délégation pour organiser des compétitions Freestyle et Speedrun du Parkour. Elle travaille à la mise en place de programmes de formation d’encadrant et invite les clubs de gym à se former pour proposer du parkour parmi leur panel d’activité. 

En 2020, lors de l’Assemblée Générale FPK, les associations votent l’ouverture de la Fédération aux associations souhaitant faire de la compétition. Une commission compétition est créée. En raison de la pandémie, rien ne bouge pendant 2 ans.

Le Ministère des Sports est informé du FIG Gate depuis 4 ans. Plusieurs réunions ont eu lieu entre la FPK et le Ministère avant la pandémie pour tenter de trouver une solution amiable. Mais les discussions ont été suspendues suite au COVID et l’équipe ministérielle a changé depuis. De nouvelles réunions sont prévues prochainement. 

Mais alors, le Parkour à la Gym, c’est bien ou c’est mal ?

L’avenir nous le dira. Il est légitime de questionner la manière de laquelle l’intégration s’est faite. Mais ce qui se passe dans la petite asso locale qui veut faire du bon travail est très différent des dynamiques politiques et financières d’une fédération olympique internationale.

A la FPK, nous pensons qu’il est primordial d’assurer que la pratique garde ses valeurs de respect, de partage bienveillant et d’amitié. Et que l’encadrement soit authentique et de qualité. Quiconque enseigne la pratique avec ces valeurs en-tête fera forcément du bon travail. Nous pensons que chaque pratiquant a le droit de défendre sa propre vision de la pratique, sans dogme ni gourou. Nous pratiquons avec nos coeurs et c’est bien comme ça. 

Si vous estimez que les éléments indiqués ci-dessus sont erronés, ou incomplets, n’hésitez pas à nous en informer.